C’est vrai, après tout : pourquoi acheter de l’art ?
Pourquoi celles et ceux qui achètent de l’art sautent-ils le pas ?
La première fois qu’on m’a interrogée là-dessus, la question de mon interlocuteur était un peu différente : pourquoi posséder de l’art ?
L’allusion commerciale et frivole était claire.
Et ça m’avait chiffonnée.
Mais la question était posée ; et elle avait toute sa place.
Elle était même centrale. Fondamentale.
Pourquoi ?
Parce que l’art est au cœur de ma vie.
Et depuis quelques années, j’achète de l’art.
Seule ou avec mon amoureux.
Alors, pourquoi acheter de l’art ?
Tout a commencé en 2008, à la sortie d’une crêperie, par une douce soirée d’automne.
J’ai fait quelques pas sur les pavés rennais, sans savoir que j’allais vivre ma première grande émotion de future acheteuse d’art.
L’art est l’occasion d’une rencontre
Avec un·e artiste ; une œuvre ; un·e galeriste ou mécène ; une exposition ; un festival ; un musée…
Je me souviens de toutes mes rencontres avec l’art. Toutes, sans exception.
Je me souviens du lieu, du contexte, de mon état émotionnel et, bien sûr, de l’être humain en face de moi.
L’œuvre qu’on achète, qu’on offre ou qu’on reçoit est reliée à un souvenir.
Pour toujours.
Elle renvoie à une émotion –toujours– forte, à un fou rire ou à des larmes, à une conversation animée, à de multiples allers-retours (achètera ? achètera pas ?), à une nuit blanche (alors ?! achètera, ou pas ?), à un instant simple et doux, à une évidence, à un anniversaire, à une odeur.
L’œuvre est ancrée.
Pour toujours.
L’art convoque un souvenir inoubliable
Chacune des œuvres qui habitent avec moi porte une sorte de marqueur émotionnel. Invisible, et pourtant ; qu’est-ce que je le vois !
Ici, c’est la rencontre avec une artiste à paillettes qui nous ouvre les portes de son atelier, un soir de crêperie ; et cet étourdissement, cette excitation qui grandissent : “On peut, tu crois ? On se l’offre ?”
Là, c’est une déflagration dans l’abdomen, et mes yeux qui se remplissent de larmes, quand ce galeriste adorable et barbu tourne une nouvelle page de son immense classeur et qu’on la découvre, l’œuvre aux pastels qui courent sur le papier, enchevêtrés, agglutinés.
Là encore, c’est une mini exposition dans une boutique adorée, et la rencontre avec une grande peintre de moins d’1m60, tout affairée à installer ses dessins au feutre à alcool. Et ça fait double “Boum”.
Un autre souvenir ! Cette artiste que je découvre sur Instagram, qui fabrique des vidéos d’elle en train de fabriquer des aquarelles. Et je me sens soudain profondément connectée à son univers. L’euphorie me gagne. Et déclenche mon premier achat d’art par Internet.
Ou encore ! Cette peinture sur carton offerte par ma maman. “Elle me fait penser à toi, Marie.” Et j’en rosis de plaisir.
L’art peut vous rapporter de l’argent
Comment ne pas évoquer la dimension commerciale ?
Et là, je boucle avec mon introduction et la question qui m’avait irritée.
Pourquoi acheter de l’art ?
Parce que, si vous faites le “bon” achat,
Vous pourriez, si vous devez/voulez le revendre, faire une plus-value.
L’achat d’une œuvre d’art, c’est l’occasion de se renseigner sur un·e artiste, un courant, une technique…
D’approfondir le sujet, de se documenter, d’en parler autour de soi.
De prendre son temps, aussi.
On nous a dit un jour que si une œuvre était pour nous, elle nous attendrait.
Et je crois que c’est vrai.
L’art offre l’occasion rare de s’écouter vraiment
Et d’écouter son ventre, son intuition.
D’aller là où l’on sent qu’il y a du vrai. Pour soi et pour personne d’autre.
En achetant de l’art, on affirme sa personnalité. On la pose juste là. Sur un coin de mur ou de table. Au sol ou sur une étagère.
L’œuvre est aussi un vecteur de discussion.
Souvent, nous interrogeons celles et ceux qui passent notre porte.
“Et toi, tu vois quoi ? Qu’est-ce que tu ressens ?”
Pas question de jugement. Seulement du ressenti.
Et c’est passionnant !
Écouter les gens parler, j’adore ça. 🙂
Alors, les écouter réagir à chaud à ce qu’ils ont devant les yeux, ça me fascine. Et me bouleverse souvent.
Et puis, il y en a qui ont une imagination débordante :
Lui nous a écrit l’histoire de Betty, personnage invisible, supposée vivre dans la caravane Airstream, sur la photographie accrochée dans notre escalier.
Lui, c’est mon papa.
En achetant de l’art, on encourage un artiste
On l’accompagne dans sa démarche.
On finance, avec nos moyens, son matériel, son loyer, ses prochains travaux.
Puis, on lui témoigne notre admiration.
Et on fait vivre un artiste vivant.
Pourquoi acheter de l’art à un artiste ?
Parce que s’il démarre, on le valide ; on entérine sa position d’artiste.
Je n’invente rien ; c’est une artiste qui me l’a dit.
On fait vivre un artiste vivant.
Je la trouve surpuissante, cette phrase.
Alors, je la réécris.
Et le lien que l’on tisse avec l’artiste est indéfectible.
L’art met du beau au quotidien
L’œuvre vit chez vous. Avec vous.
Elle évolue au gré de votre humeur, de la saison, de la lumière.
C’est d’ailleurs captivant d’observer l’art changeant.
Il y a une petite huile dans mon bureau, achetée à une période terne de ma vie.
À l’époque, l’observer m’ancrait dans ce ressenti tout gris. Et c’était plutôt doux, en vrai.
Aujourd’hui, je la regarde, et tout ce que je vois, c’est le quartier de lune citron vert et l’aube orange sanguine.
Et cette fois-ci, c’est doux et acidulé en même temps.
Les œuvres qui habitent avec nous ont une force évocatrice inouïe.
Et portent en elles une beauté unique, mouvante, éternelle.
Et l’art nous porte, nous accompagne.
Il y a deux jours, je suis tombée sur une œuvre d’Omar Mahfoudi, où il est écrit :
“You are not alone | You have this artwork for company”
[Tu n’es pas seul·e | Cette œuvre d’art est là pour te tenir compagnie]
Et tout est dit.
L’art, c’est l’œil d’un artiste sur le monde dans lequel nous vivons
En préparant ce billet, je suis tombée sur une œuvre récente de l’artiste BLASE©.
Y a-t-il meilleure illustration de cette affirmation ?
Quelle que soit son époque, l’artiste interroge son monde, l’égratigne, l’écorche ou le célèbre.
L’œuvre d’un artiste, c’est une vision du monde. Son monde. Le nôtre.
Sa culture, qui n’est pas forcément la nôtre.
Son quotidien, que l’on partage peut-être.
Ses convictions politiques ou religieuses qui, parfois, résonnent en nous.
Et c’est précieux.
La Fantaisie Vagabonde vous présente de l’art et des artistes
Sur un plateau à paillettes.
Avec le cœur ouvert grand comme ça.
Et la conviction profonde que l’art et les artistes sont
Tantôt un rempart, tantôt un tremplin.
Et toujours
Une nécessité.
Merci pour votre commentaire, Cecile !
Il est pour moi l’occasion de relire ce que j’avais écrit il y a 2 ans. 🙂
Je suis heureuse que de l’autre côté du miroir, du côté de l’artiste, mes mots sonnent juste.
Et au fait, bienvenue parmi les abonné·e·s de la gazette à paillettes !
Marie
Je suis tombée par hasard sur ce billet …je le trouve extrêmement juste et éclairant en tant qu’artiste je trouve que l’on ne se pose pas suffisamment la question . Merci
Vrooom ! Et merci ! ✨
Marie, encore une fois, tu es à contre-courant de la manière de vivre l’art. Tu remets le lien entre l’artiste et le passionné d’art au coeur de l’acquisition. Et puis le lien tellement puissant entre l’oeuvre et son propriétaire prend le relai. La rencontre, le souvenir, l’émotion ! Voilà un beau moteur pour acheter de l’art !
Cher Fabien,
Merci pour tes mots.
Et quelle belle comparaison que celle du lit conjugal !
Merci Marie pour ce billet. Le lire m’a d’ailleurs fait voyager le temps d’une séance morose. Une œuvre fait rentrer dans l’intimité de son auteur presque immédiatement, quand elle nécessite des mois, des années voire une vie pour un ami proche. On s’ouvre alors à l’univers intérieur de l’artiste qui ne résonne qu’à travers nos propres émotions. Comme une sorte de rencontre amoureuse dont le lit conjugal serait l’œuvre.